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Préparer

Dire vrai

Lors de la maladie d’un parent dont l’issue peut être fatale, nombreux sont les adultes dont le réflexe est, par protection, de taire la vérité à l’enfant. Pourtant l’enfant sait… ou en tout cas perçoit et tant que des mots ne sont pas dits sur le malaise, l’enfant est seul avec son ressenti et se sent exclu, voire abandonné. Le non dit instille en lui une angoisse, voire une culpabilité… pourtant, tout dire crument – sans fard ni détour, comme pour se soulager n’est pas non plus la solution. Il faut l’écouter, le laisser questionner, lui donner l’autorisation de le faire : car si le parent se tait pour protéger l’enfant, l’enfant lui peut essayer de protéger le parent en ne parlant pas de la situation. Il est important dans ces moments douloureux d’installer des moments où la parole de l’enfant sera libre, où il pourra, au détour d’un jeu par exemple, poser la question ou évoquer le problème. Car ce dont l’enfant a besoin, plus que de la vérité, c’est de mots pour dire ce qu’il vit, ce que la famille traverse et d’être reconnu comme un membre de cette famille qui traverse cette peine-là ! Il a besoin que l‘annonce soit faite par un proche, pas par une médecin qui énoncera un diagnostic. Il a besoin du lien pour entendre la vérité : la reconnaitre comme vraie, l’accepter ou pas. Il a besoin de se sentir appartenir à la famille et de partager la souffrance de la famille pour ne pas la vivre seul. En se taisant, on peut générer en lui un sentiment d’exclusion et de trahison : il n’a pas été reconnu digne d’être informé !

 

Répondre aux questions

Cette préparation pour l’enfant va générer beaucoup de questions dont certaines, au grand étonnement des adultes, seront purement triviales : qui va me faire à manger ? Me conduire à l’école… Ce n’est pas « égoïste, » c’est le moyen pour l’enfant d’ancrer cette annonce dans une réalité un concret, un quotidien. Avant la perte, il ne réalise pas ce que signifie la mort en terme de ressenti, de vide, de deuil, pas plus qu’il ne peut anticiper la douleur qu’il ressentira. Mais il sent la peine de l’adulte et il craint l’après. Il a peur de l’abandon et il a besoin d’être rassuré et cela passe par des petits détails qui touchent à son quotidien. Préparer, rassurer l’enfant quant à la suite est important. C’est terrible, mais ça va aller.

 

Groupes d’expression et de rencontre

Initiative de l’ASBL cancer et Psychologie, Les « Espace-Enfants/Adolescents » sont des lieux d’accueil à l’hôpital crées en collaboration avec les équipes soignantes pour les enfants et les adolescents qui rendent visite à un parent hospitalisé pour une maladie grave. Les adultes de la famille peuvent aussi, le cas échéant, participer aux espaces enfants/adolescents. Ils ont pour objectifs le maintien du lien entre la personne hospitalisée et ses enfants, l’échange et l’expression des émotions au sein de la famille, et la rencontre et l’échange avec d’autres familles vivant la même situation ce qui permet à chacun d’explorer ses ressources. Deux psychologues animent ce moment, ils accueillent et sont disponibles, à l’écoute. Ils peuvent aussi accompagner l’enfant ou l’adolescent dans la chambre de son parent hospitalisé, si ce dernier ne peut se déplacer. Les participants choisissent d’y rester le temps qui leur convient. C’est un lieu d’expression, des jeux et des activités artistiques y sont proposés pour soutenir tant la parole que les silences. D’autres groupes d’entraide existent et fonctionnent selon d’autres modes.

 

Stéphanie DEVISSCHER, Psychologue Cancer et Psychologie
Comment et pourquoi préparer l’enfant à la maladie d’un parent, d’un proche.
Stéphanie DEVISSCHER, Psychologue Cancer et Psychologie
Que dire et comment faire concrètement lorsque l’enfant pose des questions ?
Stéphanie DEVISSCHER, Psychologue Cancer et Psychologie
Comment aider un enfant qui n’ose pas poser de question à propos d’un décès possible du parent ?
Stéphanie DEVISSCHER, Psychologue Cancer et Psychologie
Qu’est-ce que c’est que l’espace enfant-adolescent ? (ici, à la Clinique et maternité Sainte Elisabeth à Namur)
Floriane , La maman de Myriam et Floriane est atteinte d’un cancer en stade terminal.
Floriane, dont la maman est malade, nous explique pourquoi elle fréquente l’espace enfants-ados.
La perte que doit gérer un enfant lorsqu’un de ses parents meurt doit être accompagnée et préparée lorsque cela est possible. Car le deuil est non seulement l’apprentissage de la solitude, du chagrin et de la perte, mais aussi celui de la mort, de son statut définitif et la compréhension lente qu’il y a des questions sans réponses. Tout cela bouleverse l’enfant tout autant que la perte de la personne aimée. Bien sur, selon l’âge de l’enfant, sa maturité, ses réactions à l’annonce du décès pourront désarçonner. Un enfant qui ne comprend pas l’irréversibilité peut réagir d’une manière qui laisse perplexe, partir jouer –apparemment sans être touché par l’annonce- puis passer de l’indifférence au questionnement répétitif auquel il faut répondre avec patience : la personne est morte, elle ne reviendra plus jamais. Ces répétitions lui permettront d’assimiler la perte. Les adolescents, peuvent réagir avec colère ou en adoptant une pseudo indifférence: les deux révèlent une détresse intense. Dans tous les cas et quel que soit son âge, il faut accompagner l’enfant dans le processus de deuil, reconnaître sa souffrance, partager la sienne et l’aider à se souvenir du disparu tout en vivant sans lui et sans culpabilité. Oui, c’est injuste, mais il a le droit de continuer à grandir.
Annoncer, accompagner, soutenir

Les bons mots, les bons gestes

Les tout-petits n’appréhendent pas l’idée du plus jamais, la séparation, plus particulièrement d’avec la mère, génère en eux une angoisse, un déchirement qui doit être reconnu, entendu et pansé. Les mots doivent être dits, car même sans le comprendre il faut qu’il les entende. Plus que tout, il faut le rassurer, l’envelopper et tisser avec et autour de lui des liens qui viendront combler la perte de ce lien intime qu’il avait avec sa mère. Chez un enfant plus grand, il faut dire les choses clairement, sans laisser place au mythe ou aux fantasmes : pas de « elle s’est endormie » ou « il est parti » qui pourrait laisser l’enfant espérer un réveil ou un retour. Pas non plus de brusquerie ou d’obligation de se comporter de telle ou telle manière «convenable»: l’enfant a en lui de nombreuses ressources – comme le jeu qui peut paraitre inapproprié aux adultes, mais qui lui permettent d’exprimer sa souffrance, de formuler ses questions, de fantasmer des résolutions.

 

Le droit d’être triste comme on veut

Il est important d’accueillir toutes les manières qu’aura l’enfant d’en parler : il faut qu’il sache qu’il en a le droit, qu’il n’est pas seul à souffrir, mais que la peine peut se partager pour être soulagée. Certains enfants en effet gardent leur souffrance en eux pour ne pas peiner davantage le parent restant. Enfin, il faut veiller à ce qu’il ne se rende pas coupable du décès. Que ce n’est pas parce qu’il a fait telle bêtise que son papa est mort ! À un certain âge, on pense que la mort peut être inversée, provoquée et qu’il suffit de bien se comporter pour que le défunt revienne. Quant aux ados, qui sont déjà par définition en train de vivre le deuil de leur enfance, qui prennent conscience de leur autonomie, qui s’interrogent sur qui ils sont, qui ils vont devenir, ce deuil les menace, les interroge, les fragilise. Il leur donne à considérer leur condition de mortel et les confronte à une injustice qui à cet âge se digère difficilement. C’est presque un passage forcé à l’âge adulte alors qu’il n’est pas nécessairement prêt. La colère prend le pas sur le désarroi, la détresse, la peine et le fait d’être différent peuvent aussi le pousser à se renfermer sur lui même ou à adopter des comportements à risque. Les dépressions ne sont pas rares. Malgré leur agressivité ou leur apparent désintérêt, ils doivent se sentir soutenus, accompagnés, compris sans être infantilisés, placés dans la position du pauvre orphelin qu’il faut surprotéger. Ils ont le droit d’être en colère et pleurer n’est pas un signe de faiblesse. Ils jouent les forts, mais ils sont plus que jamais démunis.

 

Un coup de pouce

Le travail de deuil est différent chez chacun, mais il est certain qu’on ne peut aider l’enfant à faire ce chemin sans aider sa famille, car non seulement parfois les enfants calquent l’expression de leur peine sur celle de l’adulte, mais surtout, il peut être difficile pour un parent d’être disponible et ouvert au chagrin de l’enfant quand il est lui même dans la souffrance. Or pour l’enfant, la guérison, l’apaisement ne pourront venir que dans le lien, dans le quotidien. C’est cela qui lui permettra de continuer à grandir. Voilà pourquoi l’adulte en souffrance ne doit pas hésiter à demander de l’aide, à fréquenter un groupe d’entraide, un thérapeute qui l’aidera à maintenir la communication fluide autour de la souffrance. Et puis, il est aussi possible de participer à des ateliers parent-enfants et de proposer à l’enfant de fréquenter lui aussi des espaces où il pourra rencontrer d’autres enfants vivant la même situation que lui. Car il faut que la communication se maintienne, que l’enfant puisse s’exprimer et qu’un proche puisse l’entendre et l’aider.

 

Espace papillon :

Initiative de l’ASBL Cancer et Psychologie, l’Espace Papillon consiste en ateliers organisés sur au moins 5 séances, proposés aux enfants et adolescents touchés par un deuil. Ils favorisent chez eux la reconnaissance de leurs ressources, en leur offrant de quoi surmonter le vide et la souffrance par l’échange avec d’autres vivant la même chose et capable d’écouter, de reconnaitre et de raconter leur peine. Le fait de partager cet état permet aussi de sortir de cette position particulière « d’endeuillé. » On n’est pas juste l’orphelin, on est plus que son chagrin. C’est un état, un moment, une expérience de vie. Enfin, ces ateliers soutiennent la parentalité : car les parents qui y inscrivent leur enfant sont aussi accompagnés et rassurés quant à leurs compétences parentales.
Il faut une inscription préalable qui ne se fait qu’après plusieurs entretiens. Pour les enfants, les ateliers sont animés par des psychologues formés à l’accompagnement du deuil. Balisées par des thèmes touchant au travail de deuil, des activités (dessins, peintures, modelages, découpages/collages, création d’histoires, constructions) soutiennent la prise de parole et le processus d’intégration de la perte. Pour les adolescents, les ateliers s’organisent autour de réalisations créatives communes et/ou individuelles au moyen de la photographie, de la peinture, de l’écriture, du théâtre, de la chanson. En fin de cycle, un entretien de clôture détermine les besoins du participant : aide individuelle ou nouveau cycle d’ateliers.
D’autres formules et groupes d’entraides existent et fonctionnent sur d’autres modes.

 

 

Merci à toutes les personnes qui ont contribué à cette réalisation.
Kathelyne HARGOT, Psychologue
Comment annoncer à un enfant le décès de son parent ?
Kathelyne HARGOT, Psychologue
Pourquoi et comment aider l’enfant et la famille au moment du deuil?
Kathelyne HARGOT, Psychologue
Qu’est ce que l’espace papillon ?
Martin
Martin a perdu sa maman, il nous raconte pourquoi il va a l’espace papillon et ce qu’il y fait.
Thérèse DELISSE, Grand-mère de Martin
Nous raconte comment Martin a appris à vivre son deuil et grandi sans sa maman après son décès.
Documentation sur le sujet